Journal de libération. Mercredi 31 mars, 10èmejour.
Depuis 10 jours, nous occupons l’Armorica et ça ne dérange pas grand monde
Nous habitons dans l’aile droite
La porte d’entrée est ouverte en permanence en journée
Chaque nuit, 4 personnes dorment derrière le bar
Depuis 10 jours, Roselyne Bachelot n’est toujours pas venue
Il y a dorénavant du wifi dans le hall
Il y a une AG tous les jours à 11h00
De la nourriture est déposée tous les jours
Les façades de l’Armorica sont recouvertes de slogans
De la poésie est affichée dans le hall
Il y a une caisse « Donner ce que vous pouvez, prenez ce que vous voulez »
Depuis 10 jours il y a des gens qui ne comprennent pas ce que l’on fait
Depuis 10 jours, nous réfléchissons à ce pourquoi nous sommes là
Nous apprenons à faire ensemble
Depuis 10 jours, il y a eu de la percussion sénégalaise, des conférences, de la guitare, de la flûte et de la clarinette, du chant occitan et mexicain, un concert de musique DUB, de la danse contemporaine, de la méditation en mouvement, de la peinture, du roller, du ballon, de la trott’,
Depuis 10 jours, nous tentons une nouvelle forme de politique culturelle à Plouguerneau
Depuis 10 jours à l’Armorica il y a à gauche la loge des artistes qui travaillent et à droite notre collectif qui aimerait travailler
Depuis 6 mois, nous attendons toujours la réponse du Président de la communauté des communes Mr Treguer à notre courrier dans lequel nous lui posions cette question : « où sont les 120 000 euros d’économie lié à l’annulation du printemps des Abers 2020 et 2021 ? »
Depuis 10 jours, c’est souvent les femmes qui cuisinent
Nous sommes en lutte
Nous nous organisons
Nous déclarons toutes nos Agoras en sous-préfecture
Depuis 10 jours…
René
Prochain courrier à l’attention de Mr Treguer, président de la communauté des communes des Abers et maire de Lannilis
Ici dans les abers, depuis deux ans le printemps des Abers n’a plus lieu.
Le printemps des abers ca représente 120 000,00 euros. (60 000 par an).
Ca permet de faire vivre des spectacles, des artistes.
Comment peut-on à l’heure ou des artistes n’ont plus de travail, se satisfaire de faire des économies comme la fait dans le Télégramme le président de la communauté des commune Mr Treguer, également maire de Lannilis ?
Nous avons des élus qui laissent mourir les artistes du territoire.
Nous comprenons le message des policiers municipaux.
Mais comment vous le dire.
La Mairie de Lannilis est d’une opacité sans nom à nos cris.
Depuis le mois d’octobre nous cherchons désespérément à rentrer en contact avec eux,
Pouvoir entendre la le grain de voix du maire.
Mais que font-ils ?
Ce n’est pas normal. Ce n’est pas à la Police municipale d’adresser ce message à ces concitoyens.
Depuis le mois d’octobre et notre courrier de 32 pages, revenant sur toutes les actions réalisées sur le territoire des Abers depuis 1 an.
Un an d’actions gratuites.
Nous ne pouvons nous satisfaire d’un Maire Monsieur Treguer, président de La communauté des communes des Abers qui se satisfait de la bonne gestion financière de la com com sous prétexte que les évènements culturels : le printemps des Abers n’a plus lieux.
C’est scandaleux.
Comment peut-on se satisfaire de ces 120 000 euros d’économies quand dans le même temps.
Sur deux ans cela fait une enveloppe de 120 000 qui laisse crever des artistes de la communauté des communes.
C’est le silence de celui qui ne veut pas voir.
Je n’en peux plus d’appeler son secrétariat et que semaine après semaine on nous réponde :
Votre courrier est dans sa bannette.
Votre courrier est dans sa bannette.
Mais elle est où sa bannette ?
Sur pluton ?
Nous dénonçons la violence et le mépris des élus de la commune de Lannilis qui refuse ne serait-ce de rencontrer les artistes.
Que faut-il faire pour être reçu ?
Dans votre courrier vous affirmez que si nous avions demandé l’autorisation pour chanter au marché nous l’aurions c’est faut.
Vous ne répondez jamais à nos appels.
L’année dernière je souhaitais joindre votre élu à la culture ;
Après 5 appels, je demande « mais pourquoi est-ce si difficile de la joindre »
Elle me répond : C’est peut-être qu’elle n’a rien à vous dire ;
Voilà où en est la Mairie de Lannilis !
Voilà pourquoi il est urgent de faire revivre cette ville qui meurt sous le jougs d’une équipe municipale aphone et qui refuse de voir la misère dans laquelle sont plongées les artistes du territoire depuis plus d’un an.
Il faut que cela cesse.
Nous sommes la nature qui se défend.
Ce qu’il se passe à Lannilis est dangereux pour notre démocratie.
Ici dans les abers, nos avons des élus qui laissent mourir les artistes du territoire.
Nous comprenons le message des policiers municipaux.
Mais comment vous le dire.
La Mairie de Lannilis est d’une opacité sans nom à nos cris.
Depuis le mois d’octobre nous cherchons désespérément à rentrer en contact avec eux,
Pouvoir entendre la le grain de voix du maire.
Mais que font-ils ?
Ce n’est pas normal. Ce n’est pas à la Police municipale d’adresser ce message à ces co-citoyens.
Depuis le mois d’octobre et notre courrier de 32 pages, revenant sur toutes les actions réalisées sur le territoire des Abers depuis 1 an.
Un an d’actions gratuites.
Nous ne pouvons nous satisfaire d’un Maire Monsieur Treguer, président de La communauté des communes des Abers qui se satisfait de la bonne gestion financière de la com com sous prétexte que les évènements culturels : le printemps des Abers n’a plus lieux.
C’est scandaleux.
Comment peut-on se satisfaire de ces 120 000 euros d’économies quand dans le même temps.
Sur deux ans cela fait une enveloppe de 120 000 qui laisse crever des artistes de la communauté des communes.
C’est le silence de celui qui ne veut pas voir.
Je n’en peux plus d’appeler son secrétariat et que semaine après semaine on nous répondre :
Votre courrier est dans sa bannette.
Votre courrier est dans sa bannette.
Mais elle est où sa bannette ?
Sur pluton ?
Nous dénonçons la violence et le mépris des élus de la commune de Lannilis qui refuse ne serait-ce de rencontrer les artistes.
Que faut-il faire pour être reçu ?
Dans votre courrier vous affirmez que si nous avions demandé l’autorisation pour chanter au marché nous l’aurions c’est faut.
Vous ne répondez jamais à nos appels.
L’année dernière je souhaitais joindre votre élu à la culture ;
Après 5 appels, je demande « mais pourquoi est-ce si difficile de la joindre »
Elle me répond : C’est peut-être qu’elle n’a rien à vous dire ;
Voilà où en est la Mairie de Lannilis !
Voilà pourquoi il est urgent de faire revivre cette ville qui meurt sous le jougs d’une équipe municipale aphone et qui refuse de voir la misère dans laquelle sont plongées les artistes du territoire depuis plus d’un an.
Il faut que cela cesse.
Nous sommes la nature qui se défend.
Journal de libération. Lundi 29 mars, 8èmejour.
Ce qu’il se passe à l’intérieur
De nous.
C’est le Vésuve
Ca fait plus d’une semaine que nous occupons jour et nuit ce lieu : l’Armorica Nous libérons cette forteresse culturelle que nous cherchons à déverrouiller, décloisonner, dépoussiérer, provoquer les esprits, ouvrir sur l’extérieur, donner à voir la réalité déplorable du monde social actuel.
Cette occupation nous ne l’avons pas choisi, préméditer, elle s’est imposé à nous.
Biensur il y a eu le Quartz et avant cela l’Odéon.
Une occupation ca ne s’anticipe pas. Ca se vit au rythme du présent.
Nous sommes arrivés là avec nos mois de solitude et d’isolement, d’effacement.
Ce que nous avons en commun ?
Nous avons perdu notre travail !
Notre travail
Ce qui fait qu’on se lève le matin
Ce pourquoi on recevait des coups de téléphone, des bulletins de salaire, des versements sur nos comptes en banque, des dates dans nos agendas.
Tout ca a disparu.
Voilà notre réalité.
Mon métier c’est une passion. Jouer devant des gens c’est ma raison d’être, ma condition de vie.
J’ai pu m’en priver pendant quelques semaines mais là ce n’est plus possible.
Je suffoque de frustrations.
Il semblerait que beaucoup de personnes ne prennent pas conscience de cela.
Nous nous sommes regroupés ici pour ne pas devenir (trop) fou !
Nous ne sommes plus seul(s).
Cette occupation nous transforme pour toujours.
On ne ressort pas indemne d’une expérience aussi forte.
Parmi nous il y a ceux dont les spectacles sont annulés depuis un an et continue de l’être, annulation après annulation.
Il y a ceux qui gagnaient leur vie à jouer de la guitare dans les bars.
Il y a ceux qui faisaient la régie des concerts.
Nous n’avons plus de travail !
Nous n’avons aucune perspective.
Et je ne souhaite à personne de vivre ce qui nous arrive.
Et j’invite celles et ceux qui possèdent toujours le leur de bien prendre conscience de cet élément là, avant de venir nous demander « mais vous faites quoi ? » Ou bien nous reprocher nos tâtonnements en matière d’accueil du public, en matière d’organisations.
Ca fait 7 jours que nous apprenons ces nouveaux métiers, 7 jours ! S’il vous plait ne tirez pas de jugement trop hâtifs.
Ce qu’on y fait ?
On réapprend à être ensemble et en ce moment rien que ca c’est révolutionnaire !
C’est de la résistance à l’isolement qui nous guette.
Et on fait tout ça avec nos masques !
S’il vous plait ne nous proposer pas de nous pistonner pour aller chez LECLERC. Vous n’imaginez pas le désastre que vous créez en disant cela.
Aujourd’hui l’un de nous a appelez la centre culturel de Lesneven pour les informer, échanger sur leur situation, raconter ce que nous faisons et les inviter à nous rejoindre. Savez-vous ce qu’ils nous ont répondu ?
CA NE NOUS INTERESSE PAS.
Voilà où nous en sommes. On est pris pour des vendeurs d’isolation à 1% ou de Linki. Nous dénonçons ce mépris de ce centre culturel, un lieu public, qui vit grâce a de l’argent public porté par un système public !
Il y a une semaine nous nous sommes lancés sans nous connaître
Dans l’inconnu.
Naif, entreprenant, volontaristes, maladroits, nous les grandes gueules fragiles et fracassées par notre disparition sociale.
Nous tentons. Nous ratons. Nous nous relevons. Nous essayons à nouveau dans un format d’action, l’occupation, qu’aucun de nous n’avait éprouvé auparavant.
Nous n’avions jamais même passé une nuit ensemble, un repas collectif ensemble.
Nous sommes des enfants de l’école du dehors !
Nous avons 38, 47, 32, 57 ans et peu importe et nous sommes là les yeux dans les yeux à regarder nos larmes monter lorsque nous exprimons nos peurs de devoir envisager un autre métier, de changer de voie, de vivre ce changement comme un échec.
Nous sommes des amateurs, des personnes qui (pour certain.e) on pour la première fois dans le vie : du pouvoir,
Le pouvoir d’occuper un lieu,
Le pouvoir de prendre la parole,
Le pouvoir d’être écouté,
Le pouvoir de ne pas être coupé
Le pouvoir de ne pas trop se battre pour être entendu
Le pouvoir d’être accueilli avec toutes nos maladresses et nos incertitudes.
Le pouvoir de manger à leur fin de bon repas sans avoir à sortir un euro.
Le pouvoir de peindre en géant un slogan
Le pouvoir d’essayer
Le pouvoir de se planter
Le pouvoir d’apprendre de tout ça
Nous souhaitons que l’Armorica deviennent un lieu pour toutes.
Un lieu de fabrique aussi et avant tout pour les amateurs.
Parce qu’avant d’être professionnel nous sommes amateurs.
Etre amateur c’est notre point commun.
Cette frontière entre amateur et professionnelle n’existe pas pour nous.
Nous sommes tous des passionnés c’est ça le plus important.
Nous rêvons d’un lieu plus ouvert : une véritable maison des artistes.
C’est ça, savoir que les artistes peuvent s’y rencontrer et pourquoi pas partager les mêmes salles de travail !
Que l’on puisse travailler dans le hall.
Pouvoir y venir à n’importe qu’elle moment de la journée.
Savoir qu’il y a du chauffage, une table, une chaise, une prise élec et du wifi et c’est déjà beaucoup.
pour y répéter et ne pas être séparé les uns des autres chacun sans sa bulle. Rien n’est fait pour nous rassembler.
Nous rêvons que le matériel de l’Armorica soit plus partagé à toutes parce que c’est un bien public.
L’utiliser pour qu’il s’use, qui passe entres toutes les mains, permettre à tout le monde d’apprendre à les utiliser.
Nous souhaitons que les chorales locales puissent venir y répéter.
Pourquoi pas imaginer que l’Armorica devienne le nouveau Capuçins de Plouguerneau !
Un truc qui est de la gueule.
Un beau lieu pour les enfants, les ados.
Et pourquoi pas faire du patin à roulette dans le hall ?
Rêvons.
Journal de libération. Dimanche 28 mars, 7èmejour.
« Oui excusez moi d’interrompre le repas / j’voulais revenir sur ce que vous avez dit à l’AG, au sujet du groupe qui est venu nous rencontrer mardi après-midi / Voilà Alex / j’ai pas aimé quand t’as dis que c’était des fachos des gros cathos de droite. Par ce que je suis une catho de droite. »
« Ahhhh ! Pas toi Catherine ! »
« Puisque je te dis que si. Je vais à la messe. A la messe ! Je pense qu’il faut faire attention à son langage. Ils ont le droit de venir. Et je crois qu’on peut échanger. »
« Je te connais / J’hallucine que tu dises ça / T’es pas de droite ! »
« Certes ces gens sont contre le port du masque. Ce qui me gêne c’est qu’encore et toujours on mette les gens dans des cases. Concernant ce groupe, je propose qu’on leur dise qu’on est ok pour échanger avec eux dans le lieu à condition qu’ils respectent nos règles à savoir port du masque obligatoire. »
« Voilà les clefs. Attends je te file la carte grise. »
« Au fait c’est une essence ? Diesel ? »
« Diesel »
« Pas de soucis particulier ? »
« Parfois y a le voyant de pré-chauffage qui s’allume ca fait déconner la ventilation et l’auto-radio. T’inquiète / Ca fait plusieurs mois que ca le fait plus. Ca va l’faire. »
« Franchement merci. Parce qu’à Kernilis y a pas de transport en commun et ma copine fait des ‘coupes’ à l’Ephad de Landeda et une seule caisse avec la petite en plus, c’est trop galère. Je te la rends quand ? »
« Fin de semaine ? »
« Ok »
« Et donc toi l’année dernière t’as fait 1200 heures ! »
« C’était exceptionnel. Je suis plutôt à 900 d’habitude / J’ai fait pas mal de concerts à Guisseny / En fait je fais son, lumière vidéo et j’ai tout mes permis. / J’fais aussi du théâtre / Et sinon quand j’étais au quartz… quand c’était… enfin, avant / Avoir les permis ca m’aide bien / c’est vachement recherché / j’adore taffer. J’peux pas rester à la maison. J’aime faire des trucs dans le coin et aussi voyager. Avec Chrystelle ca fait 18 ans qu’on est ensemble. On s’est rencontré super jeune. Ca fait parti de notre équilibre de ne pas être l’un sur l’autre en permanence tu vois ? Je te cache pas qu’avec la période actuelle : se retrouver 24/24 l’un avec l’autre, c’est pas évident. »
« Erwan, ça te dirait de distribuer la parole en réunion ? »
« C’est à dire ? »
« Quand on est nombreux, l’animateur voit pas forcement ceux qui lèvent le bras pour parler. L’idée c’est par exemple de noter l’ordre dans lequel les gens demandent la parole. S’assurer aussi qu’un maximum de personne s’exprime, que ca tourne, que les temps de paroles soient partagés. »
« Ok alors je préfère être honnête avec toi. Moi tu sais j’ai pas ces compétences. Toute ma vie je l’ai passé seul. Face aux élèves, aux entrepreneurs, des chefs d’entreprise. J’ai bossé avec plein de gens différents mais toujours tout seul. Là, je découvre et ça me va. Tu comprends ? Le collectif c’est nouveau pour moi ! »
« Je te dis ca c’est qu’à mon sens pour qu’une AG fonctionne il faut se distribuer les rôles tu vois : celle qui anime, celui qui prend le compte-rendu, celle qui gère le temps… »
« Oh la la… Vous les jeunes vous m’épatez. »
« Gwenn ! Je peux te parler ? Merci d’être venu jusqu’ici. Je rencontre enfin ton fils ! Il a quel âge ? »
« Un an ! »
« Il s’débrouille bien ! »
« Ecoute c’est bien simple pour lui la poussette n’existe même plus. C’est plus possible ! »
« Et sinon je voulais te féliciter pour ce que tu as fait à la manif à Brest. »
« Merci c’était pas facile, juste après on m’a reproché que les artistes récupèrent toujours le mouvement en tirant la couverture à eux. Tout ca c’est nouveau pour moi, je fais que de la politique que depuis 15 jours. »
« Ca dérange quelqu’un si on met le paquet des croquettes sous la table ? Ca me dérange de les avoir aux dessus des huitres. »
« Non Marius, il est 10h00 ! T’as déjà eu deux madeleines mon chéri, la moitié d’une banane et trois haribos »
« S’il vous plait, tout le monde ! C’est possible de ne pas mettre à dispo de nourriture dans le hall ? C’est compliqué pour moi de gérer avec Marius. Et s’il vous plait, s’il vous demande de la nourriture, c’est niet, merci. Il a déjà mangé trop sucre. Il a que trois ans. »
« Hervé je te présente Azizou. Il faut de la percussion sénégalaise. Et on s’est dit avec Alain qui demain il pourrait proposer un atelier percussion dans le hall. »
« Super, bienvenu. »
« Merci. »
« Et toi tu vis de quoi ? »
« RSA »
« C’est combien le RSA ? Je n’arrive jamais à m’en souvenir. »
« Moi j’ai 470 »
« Et ca va ? »
« Ben j’ai pas b’soin de beaucoup. Je fais ma vie. Si je peux gratter un billet par-ci par-là pourquoi pas. Je fais des ateliers. J’vends des œuvres. J’aimerais en vendre plus. »
« Tu habites où ? »
« J’ai un studio dans un garage à Milizac mais j’y vais pas trop. »
« Bon je fais un tour au 8à8. Ca te dit que j’achète des mousses ? »
« Vas-y, carrément. »
« Tu sais si je peux prendre avec l’argent dans la caisse ? Comme c’est pour tout le monde ! »
« Ecoute tu fais comme tu le sens. Si t’as un doute. On peut toujours en parler en AG demain. Savoir si l’argent de la caisse peut servir à acheter de la bière. »
« Ca m’a interpellé ce que tu m’as écrit / le fait que je vienne parler du statut des journalistes de la presse locale. »
« Ca m’a fait réfléchir parce que ouais il y a des choses à dire. »
« Je pense bien. T’es payé combien par article ? »
« Photo + légende c’est 7 euros. Celui que j’avais fait sur vous c’était une photo + trois colonnes c’est 24 euros. On est payé au lance pierre. Et puis à côté je bosse à Leclerc. »
« Lannilis ? »
« Ploudalmézeau. J’approvisionne les rayons. C’est physique j’adore. Bon c’est un peu speed mais l’ambiance est top. Par contre avec les clients on est écrasé comme des merdes. Et ce que je j’aime c’est que le matin les gens me chient dessus et l’après-midi quand je dis que je suis journaliste il me lèche les pieds. J’adore ! »
Journal de libération. Samedi 27 mars. 6èmejour.
« Je vais te dire un truc tu vas pas me croire »
« Vas-y crache »
« Il y un fantôme dans l’Armorica. J’te jure. Cette nuit à 4h du mat. Viens voir. Tu vois cette porte ? A 4h, elle s’est ouverte en grand. Tu le crois ça ? TU LE CROIS ? Comme ça à 4h du mat. »
« Tu penses pas que c’est le vent ? Hier soir ca castagnait sur les coups de 23h »
« Que dalle mec. Ce truc c’est ouf. Laisse tomber j’étais sure que tu me croirais pas. »
« Ne le prends pas perso. Je suis avec Zaion et quand je suis avec lui j’ai plus de mal à suivre les conversations. »
« Hier j’ai eu des retours de personne venus à l’AG pour la première fois. Ils trouvaient qu’il fallait un peu trop se battre pour avoir la parole / Que ca allait un peu vite / Que c’est pas évident à suivre quand tu débarques. »
« Mais c’est pour ça qu’on a imprimé les comptes-rendus sur le panneaux !!! »
« Certes mais faut tenir compte des personnes qui osent venir en AG pour la première fois / Ca demande une certaine volonté. J’ai pas forcément envie que la lecture des comptes-rendus soit un prérequis. Faut qu’on apprenne à soigner tout ça. »
« A ce sujet, je considère que les gens qui participent à l’AG sont ceux qui sont assis. Z’êtes d’accord ? »
Pourquoi n’écrit-on pas Hôpital Public sur le fronton du théâtre ? Nous aussi on soigne. On se soigne avec tout ça. En ce moment être avec d’autres personnes c’est une manière de se soigner. C’est mieux que prendre des médocs. Ca fait moins dégâts. Ca coute moins cher. Et puis le débat étant tellement centré sur la médecine que ca permettrait de questionner le rôle de l’Hôpital ?
Ce matin Nicky (ma voisine) m’a demandé pourquoi je faisais ça, occuper la salle de spectacle communale ? Je lui es répondu : Pour ne pas être seul.
« Voilà je voulais vous dire. Hier y a eu un commentaire négatif sur la page. Une insulte. Je l’ai effacé.
« C’est de la censure ! »
« Ouais je sais mais bon voilà c’est pas cool pour nous.
« Attends, tu sais ce que je fais moi ? J’ai le même problème sur mon facebook avec ceux de Lesneven. Tu veux savoir ce que je fais ? Je réponds : AH AH AH. Tu vas voir ça va le retourner. Il osera plus te répondre. »
J’ai pas connu « nuit-debout ». J’ai l’impression que ce mouvement national des occupations de théâtre y ressemble avec l’avantage d’avoir un lieu couvert, de repli, adossé à l’espace public. Parce que les nuits-debouts il était sur la place public, avec aucun lieu pour ranger le matériel, les instruments, faire la cuisine. Les gilets-jaunes aussi on fini par construire des cabanes sur les ronds-points. Avoir un toit c’est important. Ca change tout.
Ce matin à l’AG on est moins nombreux.
« C’est le week-end » dit Aliou. « Le week-end les gens dorment plus longtemps. »
« Il est ou Yanou ? »
« ll est rentré chez lui se laver. »
« Non je crois qu’il a un problème de caisse »
« On fait quoi des 150 bananes ? »
« Faut qu’ça devienne notre logo. On en donne à tout le monde. Pas de gâchis. »
« En parlant de caisse, Tristouille, je voulais te parler d’un truc. Hier je t’ai entendu dire qu’c’était compliqué pour toi d’être là parce que ta copine bosse. Et que vous avez qu’une seule caisse. »
« Ouais elle est aide-soignante et demain et dimanche elle a des horaires de merde : 9h-13h puis 17h-21h ! »
« Ok. je vais réfléchir avec ma copine. On a deux voitures. Je vais voir avec elle si on n’peut pas vous en prêter une pour une semaine. J’te garantie rien. »
« Et parle-en en AG de ton problème de caisse. L’AG c’est la politique et c’est aussi ce genre de besoin. Les problèmes de caisse c’est galère. On a besoin de toi ici. »
« Je voulais vous poser une question importante. Jusqu’où on va ? Jusqu’à quand on reste ? »
« Heu. Jusqu’à ce que je retrouve ma vie d’avant.»
« Et c’était quoi ta vie d’avant ? »
« Je sais plus. »
« Sérieux. Il faudra qu’on se pose cette question régulièrement. Ok ? »
Je ne suis pas forcement pour une réouverture des lieux tout de suite. Ca mettrait un petit coup aux occupations actuelles. Et moi j’ai bien envie de voir ce qui peut, va se construire de ce mouvement qui se construit jour après jour. Tiens hier j’ai vu que la scène du Bal Floch était déployée à Quimper ! Ca m’a ému, de la savoir montée. »
« Oh merci Jacko pour les bourriches d’huitres ! »
« Quelqu’un a un couteau huitres ? »
« Non… »
Chose promise – chôme Dü
« Tu l’as trouvé où c’slogan ?
« Le graphiste de la CGT »
« Ca claque bien en blanc sur la bâche ! »
Hier on jubilait. L’équipe de l’ESAT qui vient manger à l’Armorica le midi depuis un mois et demi est revenue manger. On les espérait depuis le début de la semaine. On avait prévu le truc : Pour ne pas trop perturber on s’est dit que nos repas auraient lieu systématiquement dans la cuisine. Et vendredi ils étaient là.
« Au fait faut dire à Julia de sortir de la salle. Il y a ceux de l’ESAT »
« Ouais je sais mais elle allaite. C’est galère de bouger le nichon à l’air. »
« Ca fait mal d’allaiter ? »
« Non c’est juste que c’est déjà pas évident de trouver un coin discret. Une fois que tu sors le matos et tu nourris la bête. »
« Ok. C’est ouf quand même l’allaitement quand on y pense. »
« C’est surtout pratique. »
« MIch, viens voir y a un soucis. Il y a ton chien qui mange le compost ! »
« Oh c’est rien il fait souvent ça. »
« Ok »
« Il y a trois ans j’ai participé à la foire aux croutes. Y a quelqu’un qui voulait m’acheter un tableau. Je l’avais mis en vente à 3000,00. C’est là que j’ai réalisé que mes peintures c’était intime, que c’était ma chambre. Le gars m’en proposait 300,00. Les boules. J’ai dit non. J’ai regretté. »
« Qu’est ce qui a Ewouana ? »
« C’est ta fille. Elle vient d’être renversée par un vélo électrique sur le skate-park »
« Merde. RITA ! Ma chérie qu’est ce qui t’es arrivée ? »
« Ouiiiiiiiiiiiiiiiiin ouiiiiiiii ouiiooooooooinnnnnn »
« Désolé c’est mon fils qui l’a renversé avec son vélo (électrique pour enfant de 3 ans). »
« Bonjour je suis Docteur Normandie de Ré-info covid. Je peux vous parler 2 minutes ? »
Journal de libération. 5èmejour.
Libérer
Occuper
Habiter
Voilà 5 jours que nous vivons 24/24 entre le parvis, la partie droite du hall, et la grande cuisine de l’Armorica.
Finalement ce que l’on fait c’est aussi une forme de création.
On est parti de rien, de nous, d’un espace interdit au public, vide, en partie, et depuis on y mange, on y débat, on s’organise et ça fonctionne,
ça discute,
ça échange,
vif,
ça vit,
ça désaccord, ça frotte, ça accueille, ça joue de la musique live, ça cuisine (du rougaille saucisse ce midi).
Il y a un côté cour des miracles qui me va bien.
On se rend compte que l’on avance dans nos échanges. On découvre. On se découvre et de fait nos singularités s’expriment, les désaccords apparaissent.
C’est intéressant ce moment de l’échange où chacun ouvre sa carapace, livre sa pensée intime, politique et là Bim le désaccord. Pour équilibrer il y a le commun.
Le commun. Ce qui incarne notre commun c’est à mon sens nos repas. Depuis le premier jour on mange super bien ! Ce midi le rougaille saucisse, riz, haricots rouges était délicieusement raffiné. En désert, le gâteau de semoule certes le même qu’hier, que mercredi que mardi.
Pas évident de gérer les quantités.
On ne connaît le nombre de convive qu’au moment de l’AG à 11h00.
Ca improvise aussi en cuisine.
Aujourd’hui au repas, nous étions 14.
Mettre l’AG avant le repas c’est un bon moyen d’avoir du monde à l’AG et au repas !
Ah. L’AG, dans le désordre, on s’est dit :
« Régis a interpellé Graziela Melchior ! »
« Oui c’est très bien d’avoir interpellé cette artiste »
« C’est pas une artiste, c’est la députée de notre circonscription »
« Ok »
« On a une demande d’un collectif d’accueil pour des demandeurs d’asile sénégalais qui souhaiteraient venir faire de la percussion ! »
« Ok. Je les appelle je leur propose de venir jouer demain ? »
« Point Com : Libéré, on met é ou ée ? »
« Pour info, si on change le nom sur la page facebook ça va prendre 14 jours, 60 jours pour le compte ! »
« Ok on garde libéré. C’est l’espace culturel qui est libéré. »
« J’aimerais faire une proposition. Puis-je rajouter délivré, genre : Libéré, délivré »
« Ah ah ah ah »
« C’est sérieux. Tous les enfants connaissent. Je les vois d’avance passer en voiture devant le slogan et dire à leur parent. Papa regarde c’est la maison de la reine des neiges ! C’est populaire quoi. Ok, je ne suis pas spécialement fan du film et tout ce qui va avec mais c’est une ritournelle qui accroche les enfants. Je trouve qu’on ne pense pas assez souvent à eux. »
« Désolé je représente les Syndicats. Je porte des revendications politiques. Libéré délivré c’est Disney et Disney je les emm….. »
« Je suis un enfant. Rester enfantin, naïf, pour moi c’est politique.
Pause
« Ok. J’ai compris. Ma proposition ne suscite pas l’adhésion. Pas grave. »
« Attend. Je te rejoins. Depuis que vous avez choisi Libéré, j’ai cette chanson, ce truc en tête ».
« Ok point suivant »
« Nettoyage, peut-on vous (l’Armorica) emprunter l’aspirateur ? »
« En fait on ne ne peut pas : ça ne respecte pas le protocole. La salle est en recyclage d’air permanent. Si on utilise un aspirateur ca va soulever l’air et donc ça va faire voler le virus. Nous même on est bien embêté, Alicia fait le ménage au balai. »
« Sur les 2000m2 ???!!!! »
« Oui »
« Ok »
« Au fait on a vu avec l’équipe de l’Armorica, l’espace nuit reste circonscrit à l’espace derrière le comptoir. Ok ? »
« Ok »
« Qui gère la caisse ? On a mis 400 euros au départ. Il y a l’argent que dépose les curieux. Hier une personne a proposé de laisser une boite pour toutes les personnes dans le besoin, avec écrit dessus : donner ce que vous pouvez / Prenez ce dont vous avez besoin »
« On n’a pas acté »
« Je trouve que cette caisse devrait avant tout servir à votre mouvement et si elle génère du bénéfice, je propose que par exemple 30% de cet argent soit reversé aux migrants »
« Ok »
« Au fait qui a des nouvelles de « Mess Istéria » ?
« C’est qui ? »
« Le groupe qui doit jouer samedi. »
« Oui j’ai des nouvelles. En fait. Bon. Voilà en vérité, je pense que ca leur ferait plaisir que vous les appeliez. Si ça passe par moi c’est plus compliqué. J’ai plus de mal à les motiver. »
« Pourquoi ne viennent t’ils pas pour nous rencontrer ? »
« Ils veulent bien venir jouer à condition que la salle fournisse le matos son »
« C’est pas possible »
« Ok on fait comment ? »
« Je propose que les artistes qui viennent soient, au possible, autonome. »
« Concernant la communication sur facebook C’est au sujet des dons. Je propose de publier uniquement les photos de don avec les personnes sur la photo. Sinon je trouve que le message n’est pas clair. Avoir simplement une photo de café carte-noir je trouve pas que ca n’aide pas à comprendre notre message».
« Ok ».
« Sur la cuisine je te le dis droit dans les yeux Brigitte. Si tu fais partie de la commission cuisine ca ne veut pas dire obligatoirement que tu fais la cuisine ! »
« Je ne suis pas pour systématiquement prendre au pieds de la lettre tout ce qui vient de l’Odéon. C’est une fois de plus parisien et descendant. C’est une fois de plus une forme de Jacobinisme ».
« T’es sérieux là !!!! Jacobinisme ? »
« Oui »
« J’hallucine. Y’me faut une clope. De suite. «
« Alors sans les camarades de l’Odéon on ne serait pas là ! C’est les interlocuteurs principaux du gouvernent. Ils sont incontournables. Ce n’est pas eux que la négociation sur l’assurance chômage avec le gouvernement passera. »
A suivre.
René.
Journal de la Libération, jeudi 25 mars, 4èmejour.
Déjà ! Et moi qui hier, voulait presque arrêter tellement j’étais submergé par tout ça, l’occupation, la vie de famille, mon bébé de 4 mois, l’Ursaff, la visite chez l’Ophalmo, l’évier qui fuit (4 allers-retours à Mr Bricolage).
Revenons à nos moutons !
L’occupation.
J’y suis, j’y reste. L’énergie du moment est constructive. Aujourd’hui il y a du monde, en permanence. Des répétitions de musique, Mika et Louine qui en ce moment répète une chanson. L’artistique arrive, plus régulièrement. J’ai du mal à quitter le lieu. Moi qui il y a encore quelques semaines avait du mal à y venir. Rentrer chez moi, à la maison, m’occuper des enfants, prendre une douche. Il y a une expression qui dit « qui a deux maisons perd la raison ». Ca me parle.
Le quotidien ici est intense. Pas forcement spectaculaire de prime abord. Même si les slogans extérieurs alertent d’un mouvement inhabituel, fantasque, spontané à l’intérieur. Et ça l’est.
Nous étions une quinzaine à l’AG. L’AG, déjà la 4ème et dire que je galère à en faire une par an dans mon association et là nous en avons réalisé 4 fois plus avec à chaque fois plus de monde.
Que s’est-il passé ? Hier, Gwen, Mika et Yanou se sont exprimés lors du conseil Municipal. Avant de prendre la parole Mika a dit qu’elle était concentrée sur sa respiration, pour ne pas être impressionné par le dispositif. Chacun portait le masque, s’est lavé les mains devant tout le monde (élu.e.s, équipe vidéo, direction générale des services) avec du gel avant de se passer le micro. Le nouveau rituel. Une nouvelle spiritualité ?
Les élus nous ont autorisé à nous exprimer lors de l’ouverture du conseil municipal d’hier ! Le Maire a bien répété que ce n’était pas un traitement de faveur, simplement un droit de tout citoyen de s’exprimer, même en ce moment, surtout en ce moment, pour faire entendre sa voix, ses revendications, nos revendications.
Au moment de prendre la parole, Mika a dit « Harmonica » pour Armorica ca nous a bien fait rire. Elle ne s’en est pas rendu compte. Par contre sur le live facebook ca a bien fait rire les 30 personnes qui suivaient le conseil dont l’enjeu portait sur le vote du budget.
« Allo oui bonjour Mme Prévost des renseignements. Je voulais vous remercier pour votre confiance », dit-elle à Yanou au téléphone.
Surement parlait-elle du fait que depuis hier nous avons pris la décision de déclarer nos Agoras à la Mairie, Police municipale, et Ministère de l’Intérieur (sous-préfecture de Brest).
En ce moment dans le lieu nous avons Kris et Letizia, des pros de la communication qui nous accompagnent, nous suivent, prennent des photos, créé la page facebook ,organise le facebook live et nous transmettent leur savoir cet après-midi en proposant un atelier formation sur la gestion des réseaux sociaux. Letizia vous connaissez peut-être son travail ? C’est elle qui sur facebook est à l’origine d’une vidéo sur l’événement « ceci n’est pas un spectacle, c’est une manifestation » qui s’est déroulé devant le parvi du Quartz le 11 mars dernier. C’est elle aussi qui a filmé « Danser encore » lors du rassemblement qui fait polémique et qui s’est déroulé mercredi dernier au marché de Lannilis. Etudiante en sociologie, elle se découvre une envie de terrain en suivant les luttes actuelles notamment celles qui se prennent place sur l’espace public.
Ce matin l’équipe du Castel’Ach déguisés en pingouins, est venu nous offrir en avant-première 10 de leur nouveau sandwich Pingouich.
Tiens qui sont ces deux gars qui prennent des photos à l’extérieur ?
« Bonjour ? »
« Bonjour, nous sommes artistes, chanceux. Nous venons de jouer à la crèche municipale et nous sommes venus vous soutenir ! »
Super, bienvenu ! »
Bonjour, je m’appelle Guy, j’habite Plouguerneau et je fais de la musique, je joue du violoncelle depuis des années et j’ai un duo, comique avec un ami qui fait du Bandjo. Cet ami a développé une technique qu’il vend un peu partout dans le monde entier. Est-ce que je peux rester ? Manger ?
Mais biensur.
Qui reste manger ce midi ?
1,2……12. Mince hier on a dit qu’on limitait à 10 pour limiter le travail d’Anna (la responsable repas). Ecouter il y a assez à manger pour ce midi, on s’arrangera. Coupons les sandwichs en 2 ?
J’ai aussi cuisiné du choufleur !
Merci Anna.
Bonjour Mr Le maire ! Merci de venir à l’AG.
Merci bon je vais faire mon pisse-vinaigre mais je vous invite à être vigilant.
Depuis l’ouverture de la salle le WIFI n’avait jamais fonctionné dans le hall. Depuis hier. Depuis que Philippe est venu installer son routeur dans le hall, le WIFI fonctionne ! Voilà concrètement l’évolution de la salle. L’appropriation est là.
Ce matin un petit groupe est allé rencontrer les habitants sur le marché. Les gens furent plutôt réceptifs. Même si c’est pas évident de les aborder en mesurant deux mètres avec un masque sur le visage. Je sens que je fais un peu peur. On s’est mis devant l’entrée d’Intermarché. Je me souviens d’une femme, avec son mari. Je l’aborde.
Bonjour Madame, savez-vous pourquoi nous sommes là ?
Elle s’arrête, me fixe, les yeux dans les yeux, son mari immobile derrière.
« Ecouter Monsieur, j’ai d’autre chose à traiter, je m’excuse, j’enterre mon père cet après-midi. »
« Ok pas de problème ». J’ai pas su quoi répondre.
Franchement c’est à sacré truc d’aborder des inconnus dans la rue.
Le patron d’inter est sorti. On a négocié. Il nous a dit de nous décaler de l’entrée pour ne pas froisser les clients. Il a reparlé de l’évènement de Lannilis, parce qu’il connaît très bien le Maire.
Hier Jean-Luc Thomann nous a offert des extraits de son travail. Il est en résidence depuis un semaine pour la reprise de son spectacle. Il est flutiste. Talentueux, et son spectacle propose un mélange de musique trad aux influences brésilienne ? Cap vert ? multiples. Il fabrique le son en direct avec un looper (c’est une boite qui permet au son de se répéter). Ca se mélange, dans le respect des règles sanitaires. Ca y est nous devenons à cheval sur le port du masque dans le lieu . C’est depuis la visite du collectif Réinfo-covid qui refuse le port du masque. Nous avons pris la décision de les accueillir à condition qu’ils respectent les règles du lieu que nous appliquons nous aussi. Et là je constate que la personne de ce collectif, venu, hier est de retour aujourd’hui et ca discute encore, à l’extérieur, sur le parvis.
A l’AG on dit qu’on allait s’inspirer du Quartz et réalisé les portraits des occupant.e.s. Marinette s’occupe d’animer l’atelier photo.
Toute à l’heure je reçois un coup de fil :
« Allo, salut, Nico Lorient occupé, est-ce que tu pourrais me donner ton email je cherche à mettre en lien les théâtres occupés de Bretagne. Ce soir je mets en place un Frama sur lequel chacun va écrire ce qu’il se passe chez lui. »
« Ok super merci ».
A suivre.
Journal de la Libération, Mercredi 24 mars
C’est quoi votre objectif ? Me demande une passante sur le parvis de l’Armorica ce matin. J’étais pas trop réveillé. J’hésite. Pour nous rencontrer ! Pour exprimer notre colère, notre désir de faire notre métier à nouveau ! Pour dénoncer l’absurdité de la réforme de l’assurance chômage en cours, pour habiter ensemble dans ce lieu, pour se réapproprier notre outil de travail. Pour rencontrer l’équipe du lieu. Pour parler de nos situations fragiles…
Tout ca, biensur j’ai pas réussi à le lui dire sur le moment. C’est une fois dans ma voiture que j’ai refait le film de ce que j’aurais aimé lui dire.
Le sujet central de l’occupation de ce matin n’était pas d’ordre philosophique, plutôt pratico-pratique : il s’agissait de remettre la main sur le presse-purée.
Oui aussi ce matin le presse purée a occupé toute l’équipe. Personne n’avait remarqué sa présence. C’est celui d’Héléna. Il est classique, manuel, en alu. La disparition fût remarquée sur les coups de 10h00. Au moment de la cuisson des patates. Tien où est-il se demande elle en préparant le hachi ? Chacun s’est mis à sa recherche. De quelle couleur est-il ? Tu ne l’aurais pas laissé sur le skate-park ? Ou bien dans les toilettes ? Caroline se demandait s’il n’est pas électrique ? On mets un message sur le groupe « tu es de P si » ? Esteban es-tu allez regarder sur scène ? C’est devenu une véritable chasse au presse-purée, l’obsession de tous les habitants. Finalement sur les coups de 11h30, pendant l’AG, Helena est venu nous délivrer la bonne nouvelle : Il était derrière la niche de Zizou, le teckel d’Alexia.
L’AG parlons-en. Il y a tellement de sujets que réussir à maitriser le temps et circonscrire nos échanges à l’ordre du jour, ou simplement déterminer un ordre du jour est un exploit.
Aujourd’hui des brestois nous on rejoint, Muriel et Rachel et Dav sont là, appareils photos à la main, ils suivent les mouvements sociaux de ces dernières années sur la région brestoises et publie leurs clichés et vidéos sur les réseaux. Ils sont là pour suivre de près la naissance d’une occupation. Ils sont servis.
Sinon dans les échanges. On a parlé du courrier de la police municipale de Lannilis, du conseil municipal de Plouguerneau, de notre motivation, de nos revendications, de la gestion du facebook, de l’Odéon, du Quartz, de la nuit, des Agoras, des poèmes de Luce.
On a reparlé de la veille. Lorsque Mme Prévost des renseignements territoriaux est passées sur les coups de 19h00. Pas le meilleur horaire, elle a interrogé Roland qui repartait avec Nina sa fille de 3 ans.
Nina tu m’autorises à parler deux minutes ?
Oui si on joue au ballon, rétorque la gamine.
Et voilà Roland, Mme Prévost et Nina en train de jouer au ballon tous en répondant aux questions de la sous-préfecture : Combien êtes-vous ? Y a t’il des précaires ? Combien de temps pensez-vous rester ? Je ne sais pas si elle joue dans un club de foot mais son extérieur du droit était plutôt maitrisé.
C’est Roland qui nous a raconté ça à l’AG, tout en assumant d’être exténué par cette occupation, par la gestion de la logistique : Qui tape les comptes rendus ? Comment les rend-on visible ? Qui les imprime ?
On aussi évoqué l’idée de faire des tracts, de parler des sans-papiers présents sur la commune. C’est Vinz qui se charge d’imprimer des tracts « courts » pour les distribuer à la sortie de carrefour-contact,) la sortie de l’école ou sur la route menant au bourg.
Nicole s’étonne et regrette que ces amies politiquement engagés ne soient pas plus présents sur place.
On a aussi décidé de réduire la voilure des AGORAS à 2 par semaine (au lieu de 1 par jour) C’est con parce que le Télégramme de ce jour annonce le contraire : une Agora jour. Contretemps. La vie quoi.
La communication c’est un sacré bouzin. D’habitude tu batailles pour avoir la lumière sur ton événement et là c’est un peu l’inverse, ca va un peu vite pour nous.
On a parlé de faire des concerts (déclarés) sur le parvis. C’est Edgard, le régisseur son d’un groupe local qui nous a annoncé qu’ils étaient prêts à venir jouer samedi après-midi.
Et puis vendredi après-midi, il y a Aliochat « monsieur assurance chômage » qui vient du Quartz pour répondre aux nombreuses questions des personnes impactées par la réforme en cours.
A suivre.
Mardi 23 mars
Ca fait à peine une journée et je suis déjà explosé de fatigue. C’est ça le travail ?
J’ose à peine imaginer l’état des lombaires des occupante.s du Quartz depuis 10 jours sans parler de celles et ceux de l’Odéon (2 semaines).
J’ai trouvé mon lit pour la nuit. Je dormirais dans la grande salle, celle qui mercredi accueillera le conseil municipal. Je dormirais peut-être derrière le siège de l’élu aux travaux ou bien la conseillère environnementale.
C’est fatiguant d’occuper un lieu. Ce doit être la charge mentale. Ou bien l’agrafage des bâches, la peinture, les milliers de pas perdus pour retrouver le gaffeur, ma tasse de café, le scotch, mon ordi, mes clefs, le wifi, mes clefs, le gaffeur blanc, la peinture, mes clefs.
La journée ?
Déjà on est rentré. Ouf, il y avait quelqu’un, c’était ouvert. En arrivant on fait coucou à Maryvonne par la fenêtre, c’est la directrice. Elle a fait coucou aussi. Elle s’y attendait. Elle était au courant. Elle nous attendait. C’est limite si elle nous a pas reproché de n’arriver qu’aujourd’hui (le mouvement est démarré depuis le 4 mars).
On fait notre AG.
J’avais mal au crâne. C’est comme si j’avais déjà fait l’AG dix fois dans ma tête ces derniers jours.
Nous étions 8. C’est bien huit. Ca permet de prendre des décisions assez rapidement et puis sur la photo ca fait petit groupe mais groupe quand même. Et puis c’est le premier jour. On est pas à Brest.
Une journée loin de la maison, ca faisait des mois. J’y suis rentré pour manger en famille coucher Paolo et je suis revenu manger avec Nico et Yann-Edern. Nico fait tourner sa Playlist depuis 3 heures. Du rock.
Nous avons aussi animé notre 1èreAGORA. On a débattu sur le mot AGORA ce matin. Certain.e.s préféraient qu’on écrive « prise de parole publique », je préférais AGORA, parce que plus court, plus clair. Fred a réussi à contenter tout le monde : « on peut dire Agora : prise de parole publique.
L’AGORA justement. Sur la fin des discours Malé (une chanteuse de Tréglonou) à demandé à chanter accompagnée de Coline à la danse. Bellacio. C’était inattendu, sensible, juste. Ca m’a fait du bien après les lectures des communiqués que je trouve un peu plombant. Je veillerai à agrémenter nos moments publics de suspensions artistiques et que ca reste ludique. J’ai bien aimé lorsque Marie à dit « ludique » ce matin en AG.
Oui je pense que ne pas se prendre trop au sérieux ca permet de durer. Et vu que je suis déjà épuisé le premier soir. Va falloir être plus ludique sur la suite des opérations.
Demain on recommence notre performance chanté sur la chanson DANSER ENCORE, à la sortie de l’école du petit prince. A ce sujet, j’ai découvert un post officiel de la marie de Lannilis qui dénonce notre intervention au marché mercredi dernier. C’est la classe. L’art redevient subversif. Bon à Lannilis c’est pas difficile, il en faut peu.
A 15h je me suis senti seul. Tout le monde avait de bonne raison d’être parti : Marie était à Intermarché, Fred assurait un atelier théâtre, Nico avait rendez-vous médical (le seul rdv de la semaine), Yann-Edern avait un visio avec la CGT, et moi je peignais dans la grande salle. Je voulais absolument que les bâches soient fixées pour 17h00. Et puis Anne est passé nous voir. Enfin à ce moment là j’étais seul. C’est fou comme l’énergie redescend vite lorsqu’on se retrouve tout seul. Il est là l’enjeu de l’occupation c’est d’être plusieurs, avec d’autres, peu importe qui mais d’autres.
Bonne nuit.