Bénévole(s)
Ils sont plus de 5 millions.
Sur les parkings, au bord des terrains, devant l’entrée du local. Souvent le week-end. Sous la pluie et le vent, la canicule, le réchauffement. Seul, à plusieurs, ils attendent, ils discutent.Ils se prénomment Patrick, Mireille, Mohammed, ou simplement Sophie.
Ils réchauffent les frites, tamponnent les poignets, déroulent une rubalise, vident les toilettes sèches, se font insulter par des chauffeurs, tombent amoureux, pètent un câble en plein CA, oublient de rendre leur chasuble, font sauter la sono lorsqu’ils branchent la bilig, gardent toute la nuit une barrière qui ne ferme plus, mettent à disposition leur véhicule pour le plan anti-voiture bélier du préfet, perdent la clefs, construisent des meubles en palette, font des burn-out, n’osent jamais exprimer leurs désaccords à l’AG.
Ils portent le même tee-shirt floqué, taille unique, souvent du L. Il y a les petits chefs et ceux qui ne reçoivent jamais les emails. Ceux qui ne comprennent rien à google drive et ceux qui coupent systématiquement la parole. Ceux qu’on ne voient jamais aux AG. Ceux qui n’ont pas peur d’humilier en réunion. Ceux qui y consacrent leur vie entière, et qui ne sont même pas sur facebook. Ceux qui chaque année annoncent que c’est leur dernière édition et qui restent Président pendant 13 ans. Il y a ceux qui veulent tout faire tout seul et qui n’ont plus de dos. Il y a ceux qui font vriller la réunion, ceux qui ne liront jamais les comptes rendus. Il y a ceux qu’on ne verra qu’une fois, et celui qu’on salue tous les dimanche.
Ils ne manipulent plus d’argent, plutôt des tickets. Crise de confiance, avec le sourire. Indispensable, caritatif, sportif, social ou culturel. Ils garnissent les rangs des un million, trois cent mille associations françaises. Cette invention de 1901, d’un autre siècle, d’un autre temps, et toujours autant d’actualité : Les bénévoles.
Bénévole(s), Kezako ?
Aller droit au cœur.
Des coups, des ébranlements, des effondrements, des épiphanies.
Révéler ces moments de nos vies, où la situation bascule, le verbe dérape, lorsqu’une personne abuse, de sa position, de son pouvoir, sur un autre ; lorsque les mots nous manquent ; lorsqu’on assiste à de petites violences ; celles qui nous font douter : Etait-ce vraiment violent ?
Et rupture, retour au présent, brutalement, à nos contradictions, notre mauvaise fois, et la légèreté des nos petits moments de rien.
Ces moments charnières, je les ai observées, vécues, fantasmés.
Je souhaite révéler au public la manière avec laquelle ce qu’il se vit à l’intérieur de nous, se traduit dans notre comportement, dans notre langage.
Le monde des bénévoles sera le contexte, le cadre, un prétexte pour parler d’un monde que je côtoie depuis plus de 10 ans.
De mes expériences vécues, je privilégierai celles qui ont laissées une empreinte indélébile dans ma mémoire. Ces instants de vie si fort qu’on se souvient de tout, au mot près, bien des années plus tard.
J’imagine trois personnages majeurs et une dizaine en mode mineur.
Plusieurs scènes, donc. Il n’y aura pas beaucoup d’infos superflus. On ne saura jamais de quelle association précise il s’agit.
vivants, de situations que l’on rencontre dans le bénévolat, associatif. Je vais chercher à chaque fois à mettre en exergue les enjeux humains.
Jouer entre les deux le climax et et l’anodin. Il y aura un texte et des moments d’improvisations.
Il n’y aura pas ou très peu de décor : Une table, des chaises et la salle de la représentation sur laquelle nous nous appuierons dans le jeu.
Pourquoi un spectacle sur les bénévoles ?
L’expression « les bénévoles » fait ressurgir un tas de souvenirs, de situations vécues ou observées lors de mes expériences associatives. Ils sont une source d’inspiration fertile et suscitent en moi des envies folles de théâtre.
Le monde des bénévoles symbolise à mes yeux l’aléas, l’imprévisible, la non-perfection, la générosité, le libre choix, le salariat déguisé, le manque de moyen, le convivial, le mélange, l’urgence permanente, la hiérarchie improvisée, l’action, le dehors, l’éphémère, le présent, l’accroissement des inégalités.
En portant mon attention sur les bénévoles, qui selon moi représentent un poumon de notre vie en société, je cherche à révéler l’état de santé de notre monde actuel ou l’individualisme galope aussi vite que s’assèche les ruisseaux des aides publiques.
Ce désengagement global de l’état qui se traduit par une baisse des soutiens aux associations, les fragilise financièrement et humainement. C’est à mes yeux une des raisons qui, sur le terrain, détériore la relation d’interdépendance qu’entretiennent les associations avec leurs bénévoles.
Je suis particulièrement sensible au rapport entre le travail rémunéré et le don de soi (bénévolat), particulièrement lors d’évènements socio-culturels, les deux se retrouvant souvent obligés de travailler ensemble, pour le meilleur et pour le pire.